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Sommet de l’Union africaine 2017: L’Afrique continue sa réticence contre les retraits de la CPI

Les dirigeants africains se sont réunis à Addis Ababa lors du 28e Sommet de l’Union africaine © AU
Les gouvernements africains ont intensifié leur réticence contre le retrait collectif de la Cour Pénale Internationale (CPI) pendant le Sommet de l’Union africaine la semaine passée. Malgré que l’organe régional a adopté une « stratégie de retrait collectif » de la CPI, la décision est loin de faire consensus et n’implique pas un retrait collectif

Les efforts de consensus de l’UA sur le retrait de la CPI

En accusant la CPI d’enquêtes et de poursuites injustifiées, un certain nombre des dirigeants africains ont utilisé l’UA comme un forum pour critiquer la CPI à travers les dernières années. La campagne anti-CPI a commencé après le premier mandat d’arrêt émis contre le président soudanais Omar Al-Bachir en 2009 et 2010, et a continué quand le Procureur de la CPI a ouvert des affaires contre politiciens Uhuru Kenyatta et William Ruto en 2011, qui sont devenues président et vice-président du Kenya respectivement. La campagne a mené à l’approbation des résolutions qui ont incité à la non-coopération avec la CPI pour l’arrêt d’Al-Bashir, la suspension des affaires de la CPI pour les crimes commis au Darfour et au Kenya, et finalement la sollicitation de la stratégie de l’UA pour la CPI concernant le sujet de retrait.

Cependant, la décision de se retirer du Statut de Rome est individuelle pour chaque état membre de la CPI, et n’incombe pas à l’UA. Plusieurs états africains qui sont membres de la CPI ont exprimé leur soutien pour la CPI malgré la stratégie de retrait. En fait, pendant le sommet de l’UA de l’année passée, beaucoup d’États ont exprimé leur opposition à chaque plan de retrait collectif.

En plus, à la suite des retraits annoncés à la fin de l’année passée, de nombreux gouvernements africains ont réaffirmé leur soutien à la Cour avant et pendant la réunion annuelle de l’organe principal de la CPI, l’Assemblée des États Parties (AEP).

Pendant le discours général de l’AEP et la session spéciale pour l’Afrique et la CPI, la majorité des délégués d’Afrique et d’ailleurs ont réaffirmé leur soutien à la CPI et à la justice internationale. La grande majorité des états africains, comme le Burkina Faso, le Botswana, la République Démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire, le Lesotho, le Malawi, le Mali, la Namibie, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone, la Tanzanie, l’Uganda et la Zambie — ont réaffirmé leur souhait de rester parties du Statut de Rome et de travailler sur la réforme positive de la CPI. Certains gouvernements ont exprimé leur regret pour les retraits de l’Afrique du Sud, du Burundi et de la Gambie, et les ont appelés à reconsidérer.

Alors, qu’est-ce que l’UA a décidé cette fois ?

Une stratégie de retrait ou une réforme ?

La stratégie recommande que l’UA adopte une double approche concernant la CPI. Une approche qui vise aux réformes juridiques et institutionnelles de la Cour et de son fonctionnement et une autre approche qui vise à renforcer l’engagement politique avec les parties intéressées.

Aucune approche ne vise au retrait comme une conclusion prévisible ou un plan spécifique.

La décision loue également l’esprit de coopération pendant les débats entre l’UA et l’AEP à travers l’année passée et présage l’engagement des états africains membres de la CPI dans le processus de gouvernance de la CPI.

Un commentaire par Human Rights Watch souligne :

« La stratégie n’appelle pas pour un retrait collectif… cependant elle affirme : “il est nécessaire de clarifier l’idée de retrait collectif, une notion qui n’existe pas en droit international.” Au lieu, le document réexamine les préoccupations de l’UA pour la Cour — et sa relation avec le Conseil de Sécurité de l’ONU et l’effort de modifier le Statut de Rome pour exclure les dirigeants en exercice impliqués dans des atrocités. Le document offre des informations sur les façons que les états peuvent se retirer du statut et note qu’un manque d’adoption des propositions de l’UA pour modifier le statut peut constituer des conditions pour un retrait, mais il note seulement “qu’un calendrier pour la réforme doit être mis en accord” ».

Le professeur Mark Kersten, note dans Justice in Conflict :

« En lisant la stratégie, il est difficile de ne pas avoir l’impression que les états africains restent engagés avec la CPI. Il ne semble pas qu’ils quittent le navire. C’est parce que la stratégie ressemble à une liste raisonnable de réformes possibles pour le Statut de Rome et la CPI ».

Avocat des droits de l'homme et analyst politique Désiré Assogbavi ajoute :

«Le «retrait collectif» d’un traité est un abus de langage. Il n’existe pas en droit international. L’Union Africaine l’utilise peut être comme un instrument de pression politique pour catalyser des changements à la CPI.»

CPI: un retrait collectif des pays africains est-il possible ? Écoutez le Grand Dialogue (16-02-2017) :

Les invités : Clément Dembélé, enseignant université de Metz; Mme Doubia Mama Koité, Présidente coalition malienne CPI; Diakari Poudjougo, enseignant université Bamako; et Doumbi Fakoly, Président de la ligue des écrivains du Mali.

Opposition et réserves

Human Rights Watch a noté que le Nigeria, le Sénégal et le Cap Vert ont émis des réserves pour la décision adoptée par les Chefs d’État. Le Libéria a émis des réserves sur le paragraphe qui adopte la stratégie et le Malawi, la Tanzanie, la Tunisie et la Zambie ont demandé plus de temps pour l’étudier.

Plus d’aspects positifs à retenir ?

Certains pays participants au Sommet ont rappelé aux autres délégations que la CPI est un filet de sécurité juridique pour les pays avec des systèmes juridiques nationaux faibles.

Le Nigeria, où la CPI mène actuellement un examen préliminaire, a été parmi les états qui ont défendu la Cour contre ses plus grands détracteurs pendant le Sommet.

« Le Nigeria et certains pays ont cru que la Cour a tenu un rôle important à jouer afin de rendre les dirigeants responsables », a indiqué le Ministre des Affaires étrangères du Nigeria en ajoutant que « le Nigeria n’est pas la seule voix opposée à la stratégie de retrait, mais actuellement le Sénégal, le Cap-Vert et d’autres pays l’ont aussi dénoncé ».

Le nouveau président élu de la Gambie a aussi parlé en faveur de la CPI en disant que son administration annulera la décision de retrait prise par son prédécesseur.

En plus, le chef de la diplomatie béninoise a plus tard ajouté que «la démarche collective des pays de l'Union africaine de se retirer de la cour pénale internationale doit être nuancée car le Bénin ne compte pas quitter la CPI. »

Steve Lamony continue, sur Justice Hub :

« Le retrait du Statut de Rome créerait un fossé d’impunité, puisqu’il n’existe actuellement aucun tribunal régional pour tenir les auteurs responsables de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de génocide. Les États africains doivent montrer leur soutien à la CPI lors des sommets de l’Union africaine, des réunions de l’Assemblée des États parties et lors des réunions de l’Assemblée générale des Nations Unies et de l’ONU. En outre, les pays devraient continuer de travailler avec la CPI envers la promotion de séminaires régionaux de haut niveau sur la promotion de la coopération et des séminaires techniques conjoints UA-CPI de coopération comme un moyen de réparer les clôtures et avec les fonctionnaires de la CPI lors de réunions bilatérales avec les responsables gouvernementaux africains. »

Les idéaux et les valeurs qui ont présidé à la création de la Cour n’ont rien perdu de leur pertinence — Conseilleur de l’ONU

Le conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la prévention du génocide a ajouté un avertissement similaire : l’Afrique doit continuer à s’engager positivement, car elle « ne peut se permettre d’abandonner la CPI dans cette ère d’atrocités. » Continuez à lire