L’affaire des destructions de Tombouctou devant la CPI – tout ce que vous devez savoir
Une audience préliminaire clé de la Cour pénale internationale s’ouvre le 1er mars afin de décider du renvoi en procès ou non d’un islamiste présumé pour avoir détruit des bâtiments protégés de l’UNESCO à Tombouctou au nord du Mali en 2012. Voici tout ce que vous devez savoir sur la première affaire de ce genre devant la CPI.
Première affaire de la CPI sur la destruction du patrimoine culturel
En juin 2012, le Mali a demandé au procureur de la CPI d’enquêter sur les allégations de crimes internationaux graves commis dans le contexte d’un conflit armé après que les rebelles islamistes aient pris le contrôle de certaines parties du nord du Mali en janvier 2012.
Un mandat d’arrêt de la CPI a été émis sous scellés au rebelle islamiste présumé Ahmad al Faqi al Mahdi le 18 septembre 2015. Il a été arrêté et transféré à la CPI par le gouvernement du Niger le 26 septembre 2016.
Selon le Procureur, al Faqi a travaillé en étroite collaboration avec les groupes terroristesAnsar Dine et Al-Qaïda au Maghreb islamique, en dirigeant la surnommée Manners’ Brigade à Tombouctou et est associé à la Cour islamique de Tombouctou.
Il est accusé de crime de guerre consistant à diriger intentionnellement des attaques contre les monuments historiques ou des bâtiments consacrés à la religion – un crime de guerre en vertu du Statut de Rome. Il est soupçonné d’avoir commis, facilité ou autrement contribué – de lui-même ou en collaboration avec d’autres – aux attaques.
En plus d’être la première affaire de ce genre devant la CPI, cela est également la première, et jusqu’à présent la seule, issue de l’enquête du procureur sur le Mali. En outre, la comparution d’un islamiste extrémiste présumé devant la CPI est une première.
La ville de Tombouctou est répertoriée par l’UNESCO comme un site du patrimoine mondial et est présentée comme le centre de la culture islamique et d’apprentissage entre les 13e et 17e siècles. La destruction du patrimoine culturel de la ville après l’invasion du nord du Mali par les rebelles islamistes en 2012 a provoqué un tollé international.
Commentaires de la société civile
La Coalition malienne pour la CPI a déclaré que l’arrestation d’al Faqi représentait une grand avancée dans la lutte contre l’impunité.
« La Coalition malienne pour la CPI est indignée par les actes commis par al Faqi à la fois en sa qualité individuelle et de manière collective avec d’autres personnes contre des bâtiments et des patrimoines consacrés à la religion et/ou des monuments historiques inscrits sur la liste du patrimoine mondial et placés sous protection de l’UNESCO »,
Bien que se félicitant l’affaire, la Fédération internationale des droits de l’homme a demandé au Bureau Procureur de la CPI d’examiner davantage les allégations crédibles de la responsabilité pénale d’al-Faqi pour les crimes internationaux supplémentaires commis contre des civils, y compris le viol, l’esclavage sexuel et le mariage forcé dans le nord du Mali.
Mark Ellis, directeur général de l’International Bar Association,
« Politiquement, il y aura ceux qui vont se demander pourquoi Bensouda se concentre sur les sites antiques plutôt que de poursuivre des condamnations de viol, de torture et de meurtre, alors que la destruction du patrimoine culturel n’est pas un crime de second ordre. Cela fait partie d’une atrocité visant à effacer un peuple. J’espère que l’intervention de la CPI servira comme moyen de dissuasion pour la commission d’actes similaires dans d’autres pays. »
Open Society Justice Initiative :
« Ce procès créera un précédent en poursuivant des individus pour ce crime à un moment où les attaques contre les monuments historiques et culturels ainsi que d’autres crimes culturels sont prédominants et ont fait parler d’eux en Syrie et ailleurs. »
Lire le document d’information de l’International Justice Monitor sur l’affaire al Faqi.
Quelle est la prochaine étape ?
Le procureur de la CPI Fatou Bensouda présentera des preuves à l’appui de son affaire contre al Faqi, tandis que la défense aura la possibilité de contester les charges et les éléments de preuve du procureur. Al Faqi sera représenté par une équipe d’avocats dirigée par Mohamed Aouini. Aucune victime ne participe à la procédure contre al Faqi.
Les juges de la Chambre préliminaire I doivent donc décider si les éléments de preuve sont suffisants pour renvoyer l’affaire au procès. Les juges Cuno Tarfusser (Président), Marc Perrin de Brichambaut et Chang-ho Chung doivent prendre une décision dans les 60 jours suivant les conclusions finales des parties. Ils peuvent confirmer les charges et renvoyer l’affaire en procès ; rejeter les charges ; ou demander au procureur de fournir des éléments de preuve supplémentaires ou de modifier les charges
Lors de la première comparution d’al-Faqi devant la CPI, le juge Tarfusser a présenté desmesures visant à accélérer la procédure. Ces mesures ont été élaborées comme les meilleures pratiques à suivre dans la procédure préliminaire. Celles-ci sont maintenant regroupées sous le Guide pratique de procédure pour les Chambres et servent à contribuer à l’efficacité globale de la procédure devant la Cour.
L’audience de confirmation des charges a été initialement prévue pour le 18 janvier, mais en raison d’un certain nombre de problèmes techniques et logistiques les audiences ont été reportées à cette semaine.
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