La Coalition pour la CPI appelle à l'adoption d'un processus inédit de vérification permanent pour l’ensemble des élections de la CPI et publie un nouveau document de position
La Coalition pour la Cour pénale internationale (CCPI) enjoint l'Assemblée des États Parties (AEP) à adopter et mettre en place un processus de vérification permanent adapté afin d’évaluer efficacement la haute moralité des candidats, comme l'exige le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. L'Équipe ‘Élections’ de la CCPI a publié un nouveau document de position portant sur le projet initial de cadre de référence du processus de vérification permanent pour toutes les élections de la Cour pénale internationale (CPI) préparé par la direction de l'AEP. L'article suivant fournit des mises à jour et des recommandations essentielles pour s'assurer que ce processus – qui devrait être mis en place plus tard cette année – soit exhaustif et efficace.
Quel est l’intérêt d’une vérification des antécédents dans le cadre des élections de la CPI ?
Seules 42% des personnes interrogées dans le cadre d'une enquête menée auprès du personnel de la CPI en 2022 ont répondu positivement à l'affirmation suivante : « La CPI prend au sérieux les allégations de discrimination, de harcèlement, de harcèlement sexuel ou d'abus de pouvoir », tandis que 24% étaient d'accord avec l'affirmation suivante : « La CPI a une culture institutionnelle fondée sur l’ouverture et l’honnêteté ». Non seulement les résultats de cette enquête sont inquiétants, mais ils contrastent également avec les conseils contenus dans le Cadre de renforcement du leadership de la CPI, qui appelle les dirigeants de la CPI à « encourager le sens des responsabilités au niveau individuel et au sein des équipes pour créer un environnement de travail sûr et sain. Instaurer la confiance. Incarner ce comportement » et à « instaurer intentionnellement une culture institutionnelle fondée sur l'éthique et l'intégrité ».
La vérification des antécédents des candidats est nécessaire pour se conformer à la règle du Statut de Rome de la CPI selon laquelle les hauts fonctionnaires de la CPI et de l'AEP doivent jouir d'une haute moralité. Les appels à vérifier les antécédents des candidats se sont multipliés à la suite de plaintes pour faute concernant des candidats lors de précédentes élections, ainsi que de rapports, d’évaluations indépendantes et d’enquêtes auprès du personnel faisant état d'une culture institutionnelle problématique à la CPI. L'Examen de la CPI et du Système du Statut de Rome par des Experts indépendants (EEI) réalisé en 2020 a constitué un signal d'alarme majeur, indiquant notamment que la Cour semblait « souffrir en interne d’un climat de méfiance » et d'une « culture de la peur ». Les experts de l’EEI disent avoir « entendu de fréquentes plaintes selon lesquelles la culture sur le lieu de travail était accusatoire et implicitement discriminatoire à l'égard des femmes. Ils ont entendu un certain nombre de récits de harcèlement sexuel, notamment d’avances sexuelles non sollicitées et non désirées de la part de membres du personnel masculin occupant des postes élevés à l'égard de leurs subordonnées féminines ».
Au vu des résultats inquiétants des enquêtes menées auprès du personnel de la CPI en 2021 et 2022, qui font suite à plusieurs rapports et évaluations indépendantes détaillant une culture institutionnelle problématique au sein de la CPI, il est devenu absolument nécessaire de garantir un leadership irréprochable à l’échelle de la Cour. Le BdP a récemment déclaré dans son nouveau Plan stratégique 2023-2025 que « d’après ce qu’il ressort du rapport établi par les experts indépendants de la CPI, des sondages menés auprès du personnel et du rapport du Groupe consultatif externe ad hoc sur la culture de travail du Bureau, il règne au Bureau une culture de travail entachée de divers problèmes tels que l’absence de prise de responsabilités, un encadrement médiocre et des comportements déviants ».
Tout changement de culture au sein d’une institution commence à sa tête, et ne pourra se matérialiser que lorsque la CPI aura mis en place de nouveaux systèmes pour s'assurer que les hauts dirigeants aient un parcours irréprochable et le savoir-faire nécessaire pour responsabiliser leur personnel et traiter les fautes professionnelles, d'une manière qui trouve un écho auprès du personnel. La CPI est sur la bonne voie – lors de la 22ème session de l'AEP (AEP22) en décembre 2023, elle devrait devenir la première institution judiciaire internationale à introduire un processus de vérification permanent pour l’ensemble de ses représentants élus. L'équipe ‘Élections’ de la CCPI reconnaît les progrès considérables que les États Parties ont déjà réalisés en adoptant trois processus ad hoc dans le cadre des dernières élections des procureurs adjoints (2021), des greffiers (2022) et des juges (2023) (pour plus de détails, voir ce tableau informel comparant les trois processus ad hoc et formulant des commentaires et des recommandations), et exhorte les États à maintenir leurs efforts afin d’adopter le processus de contrôle permanent lors de l'AEP22.
Où en sommes-nous actuellement ?
Lors de la 21ème session de l'AEP en décembre 2022, le Bureau de l'AEP a convenu de poursuivre les consultations avec les États Parties, la Cour et la société civile concernant la mise en place d’un processus de vérification pour tous les fonctionnaires élus de la CPI, en vue de l'adoption d'un processus de vérification le plus rapidement possible et au plus tard lors de la 22ème session de l'AEP. Le 5 avril 2023, la Présidente de l'AEP, Silvia Fernández de Gurmendi, a présenté le projet initial de cadre de référence (« projet de cadre de référence ») du processus de vérification permanent de la CPI, basé sur les trois premiers processus de vérification ad hoc, et actuellement en cours d’examen par le biais de consultations avec les États Parties et la société civile. En juin 2023, le Bureau de l'AEP a nommé Nicolás E. Ortiz Marín (Équateur) et José Juan Hernández Chávez (Chili) comme co-facilitateurs chargés de la mise en place d'un processus de diligence raisonnable pour les représentants élus. Les co-facilitateurs consultent les États Parties, les États non Parties, la Cour et les ONG, et sont censés rendre un projet de rapport à l'automne qui sera examiné par les États Parties.
Principales recommandations concernant le processus de vérification permanent
La Coalition soutient pleinement la mise en place d'un processus de vérification permanent sous le leadership de la Présidente de l'AEP, Mme Fernandez de Gurmendi. Le projet initial de cadre de référence concernant le processus permanent fournit un cadre solide qui pourrait néanmoins être renforcé et développé. Ceci permettrait aux États Parties d'adopter lors de l'AEP22 un processus robuste et adapté, et de garantir sa réussite, ainsi que l’atteinte de son objectif principal, qui est d'évaluer efficacement la haute moralité des candidats.
La CCPI recommande aux États Parties de maintenir un dialogue bilatéral avec les organisations de la société civile et les experts qui ont activement promu le vetting dans le cadre des élections de la CPI et de l'AEP depuis 2020. Étant donné que le vetting constitue une nouveauté pour les institutions internationales, il est possible de trouver des similitudes et de s’inspirer de bonnes pratiques issues des processus nationaux et régionaux existants.
Que doit prévoir le processus de vérification ?
Définir la notion de « haute moralité » : bien que la vérification des antécédents vise principalement à s'assurer que les candidats jouissent d’une « haute moralité », cette expression n'est pas définie dans le Statut de Rome et revêt de multiples significations. L’élaboration d’une définition, comme le recommande le Rapport des facilitateurs sur la troisième élection du Procureur de la CPI - Enseignements retirés (paragraphes 90-91), apporterait clarté et certitude à l’ensemble des parties prenantes.
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S’il existe une définition juridique de l'expression « haute moralité » dans votre juridiction (ou d’un terme similaire, tel que « bonne moralité »), cliquez ici pour fournir la définition complète et sa source. |
Appliquer le processus de vérification à toutes les élections de l'AEP de manière uniforme: le processus de vérification permanent doit s'appliquer à « tout fonctionnaire élu de la CPI », dans le cadre de toute élection prévue par l'AEP exigeant une haute moralité de la part des fonctionnaires, y compris l’élection des membres de la Commission consultative pour l’Examen des Candidatures au poste de Juge de la CPI et du Conseil d’Administration du Fonds d'Affectation spéciale au Profit des Victimes.
Améliorer la visibilité du canal de signalement confidentiel: une stratégie de communication doit être mise en œuvre pour assurer une plus grande visibilité et diffusion du canal de signalement confidentiel qui permet de formuler des plaintes à l’encontre des candidats. Les informations publiées doivent inclure les noms des candidats présélectionnés, et être traduites dans l’ensemble des langues des États de candidature et de nomination des candidats.
Garantir une procédure sûre aux plaignants : les plaintes anonymes doivent être autorisées dans un premier temps, comme c'est le cas pour les plaintes pour comportements interdits à la CPI. Cela permettrait au MCI de débuter son évaluation. En cas de preuves corroborantes insuffisantes, l'identité du plaignant pourrait ensuite être exigée afin de permettre la poursuite de l’évaluation. À ce stade, le plaignant pourrait décider de communiquer ou non son identité.
Exiger la tenue d’entretiens sur la réputation : pour chaque candidat, au moins un entretien obligatoire sur la réputation doit être mené avec une personne non-référente. A l'instar du processus de vérification prévu pour les candidats aux élections judiciaires, le projet de cadre de référence indique que les vérifications approfondies des antécédents doivent, « dans la mesure du possible », inclure une prise de contact avec des employés susceptibles d'avoir travaillé avec les candidats. Il serait injuste que le MCI mène des entretiens sur la réputation pour certains candidats, mais pas pour tous. En outre, les entretiens avec des personnes non-référentes sont souvent le seul moyen d'obtenir des avis honnêtes sur les candidats.
Clarifier la phase finale du processus : La dernière étape du processus de vérification doit être expliquée plus clairement. Il s’agit notamment de préciser que le MCI n'émet pas de conclusions, mais qu’il présente à l'organe de décision des conclusions préliminaires portant sur d’éventuels problèmes pouvant survenir lorsque la haute moralité d'un candidat est remise en cause. En outre, il est nécessaire de préciser la marche à suivre lorsque des conclusions préliminaires défavorables ont été communiquées à l'organe de décision compétent. Celui-ci peut-il décider de disqualifier un candidat sur la base du rapport du MCI et, le cas échéant, selon quelles modalités ?
Inclure la vérification dans le budget ordinaire : pour que le MCI soit en mesure d’accomplir ces tâches supplémentaires de vérification, des ressources adéquates doivent être allouées au processus de vérification permanent dans le budget ordinaire de la CPI.
Pour en savoir plus sur la Vérification dans le cadre des élections de la CPI et de l'AEP, consultez le site de la Coalition ainsi que le dernier document de l'équipe ‘Élections’ de la CCPI intitulé « À la croisée des chemins : Recommandations pour les États Parties concernant la mise en place d'un processus de vérification permanent adapté », ainsi que le tableau d'analyse comparative évaluant les trois premiers processus de vérification ad hoc et le projet de cadre de référence du processus de vérification permanent, tout en formulant des commentaires et des recommandations.