Title: 

La représentation légale des victimes à la CPI dans l’affaire Ongwen et au-delà

Related countries
Author: 
Human Rights Watch
« Qui nous défendra ? » C'est la question que Human Rights Watch pose dans son nouveau rapport, en examinant le procès de Dominic Ongwen à la CPI en tant qu'étude de cas pour l'avenir de la représentation et de la participation des victimes à la CPI. Voici le résumé.

La participation des victimes aux procédures de la Cour pénale internationale (CPI) est une innovation centrale dans la justice internationale : en plus d’être potentiellement des témoins appelés par une partie ou par la Cour, les victimes de crimes jugés par la CPI peuvent s’exprimer devant la Cour en tant que participants à part entière.

Ce droit de participation n’est pas absolu, mais il peut néanmoins créer un pont essentiel entre les victimes et les communautés affectées d’un côté et les procédures de la CPI de l’autre, en contribuant à garantir que la justice est non seulement rendue, mais qu’elle est vue être rendue par ceux qui ont été touchés par des crimes jugés par la Cour. Ceci a le potentiel de renforcer la légitimité de la Cour en servant efficacement les intérêts des victimes.

Peu de victimes prennent part en personne aux procédures de la CPI ; elles participent à ces procès par l’intermédiaire de représentants légaux.

Les victimes ont le droit de choisir un avocat d’après le règlement de la Cour. Ce droit n’est pas absolu : les juges de la Cour, par exemple, peuvent demander aux victimes de choisir un « représentant légal commun » (RLC) avec l’aide de son Greffe et, si elles ne sont pas en mesure d’en trouver un, les juges peuvent demander au Greffe de choisir un représentant pour elles. Le Greffe dispose aussi d’un mandat général pour assister les victimes dans l’organisation de leur représentation légale. Ces dispositions donnent théoriquement à la Cour une latitude considérable pour garantir que les victimes sont informées, respectées et habilitées dans leur choix d’une représentation légale.

En pratique, cependant, les pressions budgétaires imposées par les pays membres de la CPI et le nombre croissant d’affaires signifient que les Chambres ont accordé de plus en plus de poids aux implications de coûts et d’efficacité dans les décisions sur la représentation légale des victimes. Ces implications sont légitimes. Mais elles signifient que les Chambres semblent avoir considéré les avis des victimes concernant leur représentation légale comme un élément pertinent, mais non déterminant ou prédominant.

Ce rapport se penche en détail sur ces questions à travers le prisme du procès de la CPI contre Dominic Ongwen, un ancien enfant soldat devenu commandant de l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army, LRA). Ongwen a été inculpé de 70 chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis lors d’attaques contre des personnes déplacées internes (PDI) dans le nord de l’Ouganda en 2003-2004 : Abok, Lukodi, Odek et Pajule, ainsi que de violences sexuelles et à caractère sexiste, de persécutions et de recrutement d’enfants soldats.

Deux équipes de conseils représentent 4 107 victimes au procès.

À partir des documents et politiques de la Cour, des entretiens menés auprès de représentants de la société civile ougandaise et internationale, de journalistes, de représentants de la CPI, de victimes participant au procès d’Ongwen, de certains de leurs leaders et de membres de groupes organisateurs dans leurs communautés, ce rapport étudie comment et pourquoi les victimes ont fait leurs choix pour leur représentation légale et le rôle que la CPI a joué pour faciliter – et parfois compromettre – ces choix.

En s’appuyant sur cette affaire, le rapport formule des recommandations pour la pratique future de la CPI, destinées à suggérer une nouvelle façon pour la CPI d’aborder la représentation légale des victimes. Cette nouvelle approche devrait refléter une vision commune entre les Chambres et le Greffe qui accorde la priorité au soutien des victimes pour qu’elles fassent leurs propres choix en matière de représentation.

Lisez le résumé et les recommandations du rapport.

 

Contexte: Le procès Ongwen

Le 6 décembre 2016, le procès a débuté pour l'ancien commandant de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), Dominic Ongwen, pour 70 chefs d'accusation de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye.

La LRA, un groupe rebelle ougandais dirigé par Joseph Kony, est originaire de 1987 dans le nord de l'Ouganda parmi les communautés ethniques Acholi. Les Acholi ont subi de graves abus aux mains de gouvernements successifs dans les années 1970 et 1980 tubulentes, et la campagne contre le gouvernement ougandais a d'abord bénéficié d'un soutien populaire.

Mais le soutien a diminué au début des années 1990 alors que la LRA devenait de plus en plus violente contre les civils, y compris les autres Acholi. Le groupe a enlevé et tué des milliers de civils dans le nord de l'Ouganda et a mutilé beaucoup en coupant leurs lèvres, leurs oreilles, leurs nez, leurs mains et leurs pieds. La brutalité contre les enfants était particulièrement sévère; Ongwen lui-même a été kidnappé par la LRA. L'impact de son enlèvement sur sa capacité mentale est devenu un facteur important lors de son procès.

La CPI a émis un mandat d'arrêt pour Ongwen en 2005, bien qu'il soit passé près d'une décennie avant qu'il soit détenu provisoirement et transféré à la CPI en janvier 2015. Les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité auxquels Ongwen est actuellement confronté — y compris le meurtre, la torture, l'asservissement et le pillage — découlent des attaques de la LRA qu'il aurait été commandé en tant qu'adulte contre quatre camps de personnes déplacées à l'intérieur du pays - Pajule (octobre 2003), Odek (avril 2004), Lukodi (mai 2004) et Abok (juin 2004) ainsi que d'autres crimes commis dans ces communautés et d'autres. Ces crimes comprennent la conscription et l'utilisation d'enfants de moins de 15 ans dans les hostilités; le viol, l'esclavage sexuel et le mariage forcé de femmes et de filles enlevées; et la persécution.

Initialement, seules les personnes de Lukodi pouvaient postuler pour participer en tant que victimes dans le procès d'Ongwen parce que les accusations dans le mandat d'arrêt initial étaient limitées dans leur portée géographique. Des accusations supplémentaires ont ensuite été portées contre Pajule, Odek et Abok, ainsi que les autres crimes décrits ci-dessus. À la suite d'une audience de confirmation des accusations de janvier 2016, le 23 mars 2016, 70 accusations ont été confirmées contre Ongwen.

Deux équipes d'avocats représentent, entre elles, 4 107 victimes dans le procès. De ces participants à la victime, 2 605 sont représentés par deux conseillers indépendants ou «externes», Joseph Akwenyu Manoba et Francisco Cox, et 1 502 victimes sont représentées par Paolina Massidda, l'avocate principale du Bureau du conseil public des victimes de la CPI avec l'aide de un avocat de terrain ougandais.

 

En savoir plus

CPI : Soutenir le droit des victimes de choisir leurs avocats (Human Rights Watch) (Traduction Acholi)

Entretien : Les victimes doivent être davantage entendues à la CPI (Human Rights Watch)

 

À propos de Human Rights Watch

Human Rights Watch défend les droits des personnes dans le monde entier. Nous étudions scrupuleusement les abus, exposons largement les faits et faisons pression sur ceux qui ont le pouvoir de respecter les droits et de garantir la justice. Human Rights Watch est une organisation indépendante et internationale qui travaille dans le cadre d'un mouvement dynamique pour défendre la dignité humaine et promouvoir la cause des droits de l'homme pour tous.

Human Rights Watch est une organisation internationale avec des collaborateurs dans plus que 40 pays, et des bureaux à  Amsterdam, Beyrouth, Berlin, Bruxelles, Chicago, Genève, Goma, Johannesburg, Londres, Los Angeles, Moscou, Nairobi, New York, Paris, San Francisco, Sydney, Tokyo, Toronto, Tunis, Washington DC, et Zurich.