Les États Parties doivent agir maintenant : la Coalition pour la CPI exhorte les États parties au Statut de Rome de la CPI à défendre l'indépendance de la Cour contre les menaces et les sanctions.

Le 5 décembre 2024, lors de la séance plénière sur la coopération de la 23ème session de l’Assemblée des États Parties à la CPI, la Coalition pour la CPI a participé à un panel intitulée « Comment les États Parties peuvent-ils renforcer leur soutien à la Cour ? ». La Coalition a souligné l’importance du soutien politique et de la coopération des États pour garantir la justice aux victimes et le fonctionnement efficace de la Cour, dans toutes les situations. Nous partageons ci-dessous le texte intégral de cette intervention, qui met l'accent sur les obligations essentielles des États parties en vertu du Statut de Rome et sur la responsabilité collective de défendre la Cour et le Statut de Rome contre toute attaque ou sanction.

Les organisations de la société civile et défenseur·e·s des droits humains sont en première ligne des efforts qui visent à garantir la justice pour les victimes de crimes internationaux graves. Une part essentielle de ce travail est d’insister sur la coopération des États avec la Cour et de défendre la Cour et le système du Statut de Rome contre les tentatives visant à les affaiblir, souvent en prenant de grands risques.   

La Coalition pour la CPI est très préoccupée par les menaces sans précédent visant à empêcher la justice devant la CPI. Il s’agit notamment d’appels à des sanctions contre la Cour lancés par des élus israéliens et américains, de mandats d'arrêt russes contre le Procureur et des juges de la CPI, de la surveillance et de l'intimidation d'élus de la CPI et de défenseur·e·s des droits humains, ainsi que de cyberattaques.   

Les États parties se sont unis par le passé pour défendre la Cour contre les ingérences et les obstructions à son travail, et ils devront le faire à nouveau maintenant. En tant que Coalition de centaines d'ONG à travers le monde, nous demandons aux États parties et à tous les acteurs concernés de veiller à ce que la Cour puisse poursuivre son travail et à ce que les victimes puissent encore trouver de l'espoir quelque part, lorsqu'il n'y a nulle part où se tourner.   

Des mesures importantes ont déjà été prises. 

La Coalition se réjouit du fort soutien que les États parties ont apporté jusqu'à présent, et notamment de la déclaration faite par 94 États parties en juin, où ils ont exprimé leur « soutien indéfectible » à la CPI en tant qu' «institution judiciaire indépendante et impartiale » et ont réitéré leur « engagement ferme à soutenir et à défendre les principes et les valeurs inscrits dans le Statut de Rome et à préserver son intégrité de toute ingérence politique et pression ». 

La Présidence de l'Assemblée a condamné avec fermeté les attaques contre la Cour et ses fonctionnaires visant à affaiblir le mandat de la CPI en s'appuyant sur la stratégie de l'Assemblée, adoptée l'année dernière, afin de répondre aux menaces et aux attaques contre la Cour, son personnel et tous ceux qui coopèrent avec elle. 

Nous nous félicitons des expressions de soutien et inquiétudes qui ont été exprimées dans de nombreuses déclarations lors du Débat Général (et de cette séance plénière), ainsi que de la formulation de la prochaine résolution Omnibus de cette année qui mentionne de manière explicite les sanctions. 

Pour l'avenir, il est urgent de prendre d'autres mesures, en particulier pour faire face aux potentielles sanctions des États-Unis d’Amérique, qui pourraient avoir un effet important sur la capacité de la Cour à mener son travail et pourraient créer de sérieux risques pour tous ceux qui soutiennent la Cour, y compris les États parties et la société civile.    

Pour ces raisons, nous proposons les recommandations suivantes :   

Premièrement, les mots sont toujours très importants. Nous vous demandons de continuer à défendre publiquement le caractère essentiel de la CPI pour un ordre mondial fondé sur des règles, pour la paix et la sécurité internationales, et pour le droit des victimes à obtenir justice dans toutes les situations devant la CPI, et d'en faire part directement au gouvernement et au Congrès des États-Unis.   

Deuxièmement, la manière dont vous vous acquittez de vos propres obligations au titre du Statut de Rome aura une incidence sur la défense de la Cour contre les sanctions. Il ne peut y avoir aucune hésitation, aucune justice sélective, aucune place pour l'ambiguïté quant à vos obligations en vertu du Statut de Rome. Le soutien et la défense de l'institution doivent être clairs et inconditionnels. Votre coopération ne pourra que se renforcer face à ces menaces.   

Troisièmement, les États parties et les institutions régionales devraient progresser vers l'adoption ou la mise en œuvre de lois de blocage (« blocking statute ») nationales et régionales, telles que la loi de blocage de l'Union Européenne.  

Même si leur impact est limité, ce type de législation est un outil essentiel actuellement, et il est, peut-être, le seul disponible. Les lois de blocage et les outils similaires peuvent fournir à la Cour et à ses partenaires une protection essentielle et envoyer un message fort, à savoir que: les États parties ne toléreront pas les efforts visant à affaiblir la Cour.   

Quatrièmement, les États parties devraient également examiner d'autres mesures concrètes à prendre, et partager ces connaissances au sein de l'AEP et avec la Cour.   Nous demandons également aux États parties d’anticiper toute mesure coercitive en s'engageant auprès de leurs prestataires de services nationaux ou régionaux pour s'assurer qu'ils continueront à travailler avec la Cour. 

Cinquièmement, les États parties qui ne l'ont pas encore fait devraient immédiatement ratifier l’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour (APIC). À ce jour, seulement 79 États parties sur les 125 qui le seront bientôt ont ratifié cet Accord. Au cours des cinq dernières années, seuls deux États l’ont ratifié : la Mongolie et Saint-Marin.   

 La ratification universelle et la mise en œuvre de l’APIC sont essentielles. 

Enfin, nous sommes également préoccupés par l'impact de ces sanctions sur ceux qui coopèrent avec la Cour. Nous savons trop bien que les sanctions contre la Cour créent de l’appréhension et de l'incertitude pour les ONG, les consultants et les avocats qui travaillent avec la CPI.  Ces nouvelles sanctions auront inévitablement un impact sur les victimes, les représentants légaux et la société civile. Malgré cela, l'engagement et la résistance de la société civile et des défenseur·e·s des droits humains en faveur de la justice et des victimes d'atrocités sont plus forts que jamais. De nombreux défenseur·e·s des droits humains et leurs familles dans les pays où la CPI est présente subissent eux-mêmes des pressions, des intimidations, voire même une criminalisation afin de les réduire silence et de mettre fin à leur travail au nom des victimes, ce qui, à son tour, compromet le mandat de la CPI. Nous demandons aux États parties de mettre en œuvre des mesures pour protéger et défendre contre les attaques et les sanctions ceux qui coopèrent avec la Cour, et de prendre des mesures pour renforcer les cadres nationaux de protection des défenseur·e·s des droits humains.

Chaque mesure prise par les États parties aura un impact. Le temps presse. Il est important que vous, Etats parties, montriez que vous êtes prêts à agir.    

La Coalition est prête à poursuivre son engagement auprès des Etats parties, de la Cour, des autres États et parties prenantes pour s'assurer que les décisions de la CPI sont pleinement respectées et que le mandat et l'indépendance de la Cour sont protégés.