Libye

La situation en Libye a été renvoyée devant la CPI par le Conseil de sécurité de l’ONU en février 2011, pour crimes présumés contre l’humanité suite aux manifestations populaires de 2011. Les affaires de la CPI concernent Saif Kadhafi et Abdullah al-Senus
Situation phase: 
Enquête - en cours

La Libye n’est pas un Etat partie au Statut de Rome, mais le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé de déférer la situation du pays à la Cour, pour une enquête sur les allégations de crimes contre l’humanité face aux manifestations populaires contre le régime de Mouammar Kadhafi en février 2011. L’enquête de la CPI, ouverte en mars 2011, a été rapidement suivie par un mandat d’arrêt émis contre Kadhafi, contre son fils Saif Al-Islam Kadhafi ainsi que contre Abdullah al-Senussi, directeur des services secrets militaires. Avec une instabilité persistante et des forces armées régionales en lutte pour contrôler le pays, la coopération avec la CPI a été limitée. Les poursuites nationales contre Saif Kadhafi et Abdullah al-Senussi se sont déroulées selon des procédures équitables. Les juges de la CPI ont accepté la demande de la Libye de juger al-Senussi au sein du pays, mais ont rejeté une requête similaire concernant Saif Kadhafi, dont la Cour continue à demander le transfert à La Haye. Le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas non plus fourni le soutien nécessaire à l’enquête de la CPI. La société civile continue à exiger la responsabilité des crimes généralisés qui ont touché le pays, notamment par la ratification et la mise en oeuvre du Statut de Rome.

Background
L’arrestation d’un défenseur des droits de l’Homme a déclenché un soulèvement le 15 février 2011, et l’arrêt d’un militant libyen des droits de l’Homme à Benghazi a généré des affrontements entre civils et forces de sécurité, qui se sont rapidement transformés en soulèvement contre le régime Kadhafi. Beaucoup de personnes ont été tuées et blessées durant la tentative de répression de la révolte par le gouvernement. En août 2011, le principal groupe d’opposition, le Conseil de transition national (CTN), reconnu par plusieurs Etats occidentaux comme le gouvernement légitime de la Libye, est entré à Tripoli. Mouammar Kadhafi a alors été contraint de se cacher, avant d’être capturé et tué le 20 octobre 2011. Le CTN a pris le contrôle du pays, et a remis le pouvoir, en août 2012, au nouveau Parlement élu de Libye, le Congrès national général, assermenté en novembre 2012. ILa Commission d’enquête internationale juge les deux parties responsables de crimes graves. De nombreuses violations des droits de l’Homme, comme la torture, les disparitions forcées, et les violations du droit international humanitaire tel que le ciblage de civils ou d’unités médicales, ont été signalées. Le 25 février 2011, le Conseil des droits de l’Homme a créé la Commission internationale d’enquête pour enquêter sur toutes les violations alléguées des droits internationaux de l’Homme en Libye. La Commission est parvenue à la conclusion que des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, ont été commis en Libye tant par le gouvernement que par les forces rebelles.
ICC situation

L’enquête sur la situation en Libye a été ouverte par le bureau du procureur de la CPI en mars 2011. L’annonce du procureur est intervenue un mois après que le Conseil de sécurité des Nations-Unies a renvoyé la situation du pays devant la Cour, en tant qu’Etat non-membre de la CPI.

Le premier renvoi unanime du Conseil de sécurité de l’ONU devant la CPI

L’affaire de la CPI en Libye a trait aux allégations d’une politique d’Etat visant à réprimer en 2011, y compris par l’utilisation de forces mortelles, les manifestations civiles contre le gouvernement de Mouammar Kadhafi. C’est la première affaire de la CPI à avoir été déférée à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU. Ce dernier a souligné que les auteurs de ces attaques contre des civils après les soulèvements de 2011 devaient nécessairement être tenus responsables. 

Le Conseil de sécurité a renvoyé la situation en Libye à la CPI en « condamnant la violence et l’usage de la force contre des civils, déplorant des violations flagrantes et systématiques des droits de l’Homme, notamment la répression à l’encontre de manifestants pacifiques, exprimant sa profonde inquiétude face à la mort de civils et dénonçant sans équivoque l’incitation à la haine et à la violence émanant du sommet du gouvernement libyen et dirigée contre la population civile ».

La CPI allègue que des crimes ont été commis contre ceux perçus comme des opposants au régime

Selon les mandats d’arrêt de la CPI émis dans le cadre de la situation en Libye, du 15 au 28 février 2011, les forces de sécurité libyennes, comprenant des unités militaires et de sécurité, ont mené une attaque contre des civils participant aux manifestations contre le régime de Kadhafi ou contre ceux perçus comme des opposants. Elles ont tué, blessé, arrêté et emprisonné des centaines de civils. Cette politique gouvernementale aurait été menée dans toute la Libye, mais en particulier à Tripoli, Misrata, Benghazi et des villes près de Benghazi, comme Al-Bayda, Derna, Tobruk et Ajdabiya. 

Mandats d’arrêt contre Mohamed Kadhafi et son entourage proche

La CPI a émis des mandats d'arrêt contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, son fils Saif Al-Islam Kadhafi, qui a dirigé la Fondation internationale de Kadhafi pour les associations de bienfaisance - et a été considéré comme Premier ministre de fait au moment des crimes présumés - avec Abdullah Al- Senussi, directeur des services secrets militaires en Libye. Les mandats d’arrêt allèguent que les crimes, évoqués ci-dessus, ont été commis contre l’humanité (meurtres et persécutions) en Libye du 15 février jusqu’au 28 février 2011 au moins.

L’affaire contre Mouammar Kadhafi a pris fin en novembre 2011, suite à son décès. En novembre 2011, Saif Kadhafi a été arrêté par les autorités libyennes. En mars 2012, Al-Senussi a été arrêté en Mauritanie. Il a été extradé vers la Libye en septembre 2012.

Des personnels de la CPI détenus en Libye

Le 7 juin 2012, quatre membres de la CPI ont été fait prisonniers à Zintan, en Libye, alors qu’ils entreprenaient une mission mandatée par les juges de la Cour et approuvée par le gouvernement libyen intérimaire, pour livrer Saif Kadhafi. Ils ont été relâchés le 2 juillet 2012.

 

Cooperation

Le Conseil de sécurité de l’ONU et la CPI

Après le renvoi par le Conseil de sécurité de l’ONU de la situation en Libye, le procureur de la CPI a appelé à un meilleur soutien du Conseil pour mettre fin à l’impunité en Libye, avertissant que les contraintes liées aux ressources de la Cour entravaient la capacité du procureur à mener des enquêtes efficaces. Le procureur a également exhorté le Conseil à être davantage pro-actif dans l’exploration de solutions pour aider la Libye à rétablir la stabilité et renforcer la responsabilité des crimes relevant du Statut de Rome.

National prosecutions

Al-Senussi et Saif Kadhafi jugés en Libye - Saif Kadhafi toujours recherché par la CPI

Le 28 juillet 2015, un tribunal libyen à Tripoli a reconnu Kadhafi, Al-Senussi et sept autres membres du gouvernement coupables, et les a condamnés à mort. Le procès et les verdicts ont généré une tollé international eut égard aux allégations de violations graves des procédures officielles. Dans une décision antérieure sur la contestation de la recevabilité des affaires de la CPI par la Libye, les juges de la CPI ont convenu que les poursuites nationales d’Al-Senussi pouvaient prévaloir car elles étaient considérées comme réglementaires et couvraient les mêmes crimes que l’affaire de la CPI. Les juges ont cependant décidé que l’affaire contre Saif Kadhafi devait se poursuivre dans la mesure où les accusations nationales ne couvraient pas les mêmes crimes que la CPI.

Les juges de la Cour ont estimé en 2014 que la Libye ne s’était pas conformée aux principales demandes de coopération avec la CPI, notamment en ne livrant pas les suspects demandés.